Que sait-on réellement sur les boissons énergisantes ? (Actualisation décembre 2015)

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1/ Définition

L’expression « boisson énergisante » s’applique à une catégorie de boissons qui, selon les fabricants, stimuleraient l’effort physique ou intellectuel en agissant sur le système nerveux.

Il faut distinguer les boissons énergisantes des boissons énergétiques dont la composition diffère.
Les boissons énergétiques sont destinées aux sportifs et sont composées essentiellement d’eau, de sucre, de sels minéraux (sodium, potassium) et de vitamines (surtout B et C).
Les boissons énergisantes contiennent du sucre, de fortes doses de caféine, de taurine, des extraits de plantes (guarana, ginseng par exemple) et des vitamines.
« Elles ne sont pas formulées pour être consommées lors des périodes d’effort intense. »

L’ANSES rappelle que l’appellation « boissons énergisantes » est une appellation commerciale et ne se réfère à aucune définition règlementaire.

 

2/ Règlementation

La France a été l’un des derniers pays à avoir accepté la commercialisation des boissons énergisantes. En 2001, l’Afssa (devenue aujourd’hui l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail ou ANSES) avait rendu plusieurs avis faisant état de doutes vis-à-vis de l’innocuité de ces boissons. Le Red Bull et les boissons analogues ont finalement été mises sur le marché français en Juillet 2008.

Cependant, ces « boissons énergisantes » ne sont pas encadrées réglementairement en France. Seule une Circulaire n°2008-229 du 11 juillet 2008 interdit leur consommation dans les établissements scolaires.

 

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Décision n° 2014-417 QPC du 19 septembre 2014 du Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel a censuré vendredi 19 septembre 2014 la taxe sur les « boissons énergisantes » à partir du 1er janvier 2015, jugeant que le fait qu’elle ne touche que les boissons qualifiées d' »énergisantes » et non d’autres boissons disposant d’un même taux de caféine était « contraire à la Constitution ».

Plus d’informations

Par ailleurs, dans le cadre de la législation actuelle de lutte contre le dopage, ces boissons ne contiendraient aucun composant susceptible de positiver un contrôle anti-dopage. D’après des experts de la Société française de nutrition du sport, elles n’ont d’ailleurs aucun impact positif significatif sur l’amélioration des performances chez le sportif.

Depuis décembre 2014, le règlement (UE) n°1169/2011 relatif à l’information des consommateurs impose de faire figurer dans l’étiquetage des boissons la teneur en caféine : « La mention «teneur élevée en caféine, déconseillé aux enfants et aux femmes enceintes ou allaitantes» figure dans le même champ visuel que la dénomination de la boisson, suivie, entre parenthèses et conformément aux dispositions de l’article 13, paragraphe 1, du présent règlement, d’une référence à la teneur en caféine exprimée en mg pour 100 ml. »

 

3/ Consommation et conséquences

Depuis leur mise sur le marché, les boissons dites énergisantes ne cessent de connaître un succès grandissant. Elles font partie du quotidien de beaucoup de jeunes et la consommation est d’autant plus aisée que les produits sont facilement accessibles : elles sont vendues dans les grandes surfaces, les stations-services, dans les bars, les discothèques, lors des manifestations sportives … …

Ce succès est à mettre en lien avec les opérations de marketing construites de façon particulièrement efficace pour séduire les jeunes : les noms de ces boissons, leur packaging ne sont pas choisis au hasard et voire, traduisent une certaine idéologie.

De plus, l’Institut national de santé publique du Québec estime que « les stratégies de commercialisation employées par les fabricants de BE suscitent des questionnements quant à l’attrait d’une jeune clientèle, à la normalisation d’une consommation fréquente de quantités importantes de caféine et de sucre, et à la banalisation de l’usage de substances stimulantes à des fins récréatives ou de performance. » [[Portrait de la consommation des boissons énergisantes chez les étudiants de niveau collégial du Québec. Par Marianne Picard-Masson. Programme de sciences cliniques]]
Ces stratégies « incitent à tirer profit de leur effet stimulant à des fins de récréation et de performance sportive ou intellectuelle. Le maintien d’un rythme de vie actif et l’atteinte de performance ou de sensations fortes par des moyens artificiels plutôt que naturels peuvent ainsi être valorisés ou banalisés. L’usage de substances psychoactives dans leur ensemble pourrait également être indirectement encouragé. » [[Les boissons énergisantes : entre menace et banalisation. TOPO numéro 6, 2013.]]

Des travaux menés par l’ANSES (avis du 6 septembre 2013) révèlent que 32% des consommateurs interrogés déclarent consommer des BE au moins une fois par semaine, dont 41% en lien avec une activité sportive et 16% en mélange avec de l’alcool.
« A l’échelle nationale, cela représente 1,4 millions de personnes de plus de 14 ans (en France) qui mélangent boissons dites énergisantes et boissons alcoolisées au moins de temps en temps. Ajoutons à cela que le mélange est plus fréquent chez les plus jeunes. »

Selon l’Agence, « certains modes de consommation courants de ces boissons (activité sportive, consommation en mélange avec de l’alcool) pourraient être associés à des risques cardio-vasculaires lors d’exercices physiques intenses et de perception amoindrie des effets liés à l’alcool. »

L’InVS a déjà recensé 24 cas d’effets indésirables potentiellement liés aux boissons énergisantes auxquels il faut ajouter 6 nouveaux cas signalés à l’ANSES. Les effets indésirables recensés sont d’ordre cardiologique et/ou neurologique et/ou psychiatrique.

Au moins trois cas de décès suspects ont été rapportés depuis 2008.

 

4/ BE et alcool

Selon une étude réalisée par l’EFSA (Européan Safety Food Authority), la consommation de BE associée avec celle d’alcool concernerait autant les adultes (56 %) que les adolescents (53 %).
Par ailleurs, d’après le Dr Marianne Picard-Masson [[Portrait de la consommation des boissons énergisantes chez les étudiants de niveau collégial du Québec. Par Marianne Picard-Masson. Programme de sciences cliniques]] ces boissons font partie des substances psychoactives consommées par des personnes présentant un profil de polyconsommateurs de psychotropes.

 

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Les motivations à consommer BE et alcool sont :

 

  • avoir de l’énergie et pour rester éveillés,
  • faire la fête plus longtemps,
  • améliorer le goût des boissons alcoolisées,
  • diminuer les effets négatifs de l’alcool tels que la somnolence et l’état d’ivresse,
  • ressentir l’effet de l’alcool plus rapidement,
  • traiter une gueule de bois au lendemain d’une forte consommation d’alcool.
     
Par ailleurs, « il est possible que les BE soient consommées de la même manière que certaines drogues stimulantes illicites afin d’augmenter le sentiment de contrôle des consommateurs lorsqu’ils ingèrent de l’alcool (Pennay & Lubman, 2012). »

 

Les effets du mélange BE + alcool [[Portrait de la consommation des boissons énergisantes chez les étudiants de niveau collégial du Québec. Par Marianne Picard-Masson. Programme de sciences cliniques]]

Diminution de la sensation d’ivresse
Quelques études suggèrent que la caféine contenue dans les boissons énergisantes pourrait réduire la sensation d’ébriété, sans toutefois diminuer l’affaiblissement de certaines facultés par l’alcool, tels que la coordination motrice et le temps de réaction.

Augmentation des doses d’alcool
« Les consommateurs de BE (en association avec l’alcool) sont plus susceptibles d’ingérer de l’alcool à des niveaux potentiellement dangereux indépendamment de leur âge, de leur sexe (Brache & Stockwell, 2011; O’Brien et al., 2008) et de leur propension à la prise de risque (Brache & Stockwell, 2011). »
« Ces études évoquent la possibilité que la consommation de BE soit liée à la consommation d’autres substances psychoactives. »

Augmentation des prises de risques
« Certains auteurs suggèrent que les BE diminuent la perception du niveau d’intoxication à l’alcool, la caféine masquant, par son effet stimulant, l’impact des effets négatifs de l’alcool. »
« Le sentiment illusoire d’être moins en état d’ébriété qui résulte de la consommation de BE incite à ingérer davantage d’alcool. »

Associations avec les comportements à risque
« Il est connu que l’adolescence (Simon & Mosher, 2007), la prise d’alcool (Cherpitel, 1999) et certains traits de personnalité (Nees et al., 2012) incitent à la prise de risques. Des chercheurs ont émis l’hypothèse que la consommation de BE (en lien avec l’alcool) favoriserait l’adoption de pratiques risquées et l’apparition de conséquences négatives. »
Dans son mémoire, le docteur Marianne Picard-Masson aborde aussi divers comportements à risques en lien avec l’usage de boissons énergisantes alcoolisées : comportements sexuels à risque, agressivité et blessures, conduite avec facultés affaiblies par l’alcool.

Les conséquences possibles du mélange de l’alcool et de BE :
 Commettre une agression sexuelle ou en être victime,
 Prendre la route en état d’ébriété,
 Se blesser.

Autres conséquences possibles :
 Déshydratation,
 Vomissement,
 Gueule de bois,
 Fréquence cardiaque élevée et palpitations cardiaques,
 Empoisonnement alcoolique.

 

5/ Les BE peuvent-elles induire une addiction ?

Le phénomène de développer une dépendance physique et psychologique aux BE a été peu étudié. La dépendance serait liée à la caféïne contenue dans les boissons.
« Selon Woolsey [[Woolsey, C. (2010). Energy drink cocktails: a dangerous combination for athletes and beyond. Journal of alcohol and drug education, 54(3), p41-68.
Woolsey, C., Waigandt, A., & Beck, N. (2010). Athletes and energy drinks: reported risk-taking and consequences from the combined ise of alcohol and energy drinks. Journal of applied sport psychology, 22, 65-71.]], le développement incomplet de certains centres du cerveau des adolescents les rend plus à risque de développer une dépendance physique et psychologique aux BE. »

Une étude de l’ANSES conforte cette hypothèse en expliquant qu’une dette de sommeil induite par la consommation de BE chez les enfants et les adolescents, ainsi que la précocité de la consommation de substances psychoactives comme la caféine pourrait favoriser l’évolution vers une conduite addictive.

 

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6/ Recommandations du Ministère de la santé

Depuis le 6 Juin 2012, l’ANSES appelle les professionnels de santé à lui transmettre les effets indésirables qui seraient portés à leur connaissance.

Le 8 Juin 2012, Marisol Touraine, Ministre des Affaires sociales et de la Santé, a demandé à l’ANSES de renforcer sa vigilance sur toutes les boissons dites «énergisantes».

Recommandations

  • « Ces boissons doivent être réservées à l’adulte et sont déconseillées aux femmes enceintes et aux sportifs. Elles ne doivent pas être consommées par les enfants.
  • Ces boissons doivent être consommées avec modération ; il est conseillé de ne pas dépasser les doses mentionnées, le cas échéant, sur les étiquettes. La consommation de boissons contenant l’association de caféine, taurine et glucurunolactone à des doses élevées ne doit dépasser plus de 125 ml par jour, soit, la contenance d’une demi-cannette standard (250 ml).
  • Ces boissons contenant des ingrédients pouvant entraîner une hyperexcitabilité, une irritabilité, une nervosité et une augmentation de l’anxiété, ne doivent pas être associées à des boissons alcoolisées, substances ou des médicaments ayant une action sur le système nerveux central ou des effets neurologiques.
  • Lisez attentivement les recommandations figurant sur les emballages.
  • N’hésitez pas à signaler tout effet indésirable lié à la consommation des boissons énergisantes à un professionnel de santé (médecin, pharmacien qui le déclarera aux centres antipoison et de toxicovigilance) ou au centre antipoison. »
     
Évaluation des risques liés à la consommation de boissons dites «énergisantes ». ANSES. Septembre 2013

 

L’agence recommande aux consommateurs :

1) De modérer leur consommation de boissons caféïnées.

2) D’être particulièrement vigilants vis-à-vis des apports en caféine, pour certains consommateurs en particulier :

  • les femmes enceintes et allaitantes, la caféine pouvant notamment augmenter le risque de retard de croissance du fœtus et passer dans le lait maternel ;
  • les enfants et adolescents, population particulièrement sensible à la caféine, qui sont susceptibles de s’exposer à des perturbations du sommeil, des somnolences diurnes et au risque de développement ultérieur de conduites addictives ;
  • les personnes sensibles aux effets de la caféine ou présentant certaines pathologies notamment : certains troubles cardio-vasculaires, psychiatriques et neurologiques, insuffisance rénale, maladies hépatiques sévères.<div< li= » »> </div<>
3) Compte tenu de la fréquence des prédispositions génétiques, souvent non diagnostiquées dans la population, et de la potentielle gravité des effets cardiaques encourus :

 

  • d’éviter la consommation de boissons dites énergisantes en association avec l’alcool
  • d’éviter la consommation de boissons dites énergisantes lors d’un exercice physique.
     
Enfin, l’Anses appelle à la mise en œuvre de mesures visant à garantir l’information des publics sensibles, et à encadrer la promotion des BDE envers ces populations et dans des contextes de consommation à risques (festifs, sportifs, …). »

 

Plus d’informations sur le site du Centre d’Evaluation et d’Information sur la Pharmacodépendance Addictovigilance – Ile de France Centre : Dossier sur les risques liés à la consommation des boissons énergisantes. Mai 2014

 

7/ Exemple d’action de prévention sur les BE

Avec l’émergence de la consommation des boissons énergisantes, certains acteurs de prévention abordent ce phénomène dans leurs actions, principalement auprès des jeunes.

A La Réunion, l’association SAOME travaille sur cette thématique depuis 2012.
Dans un premier temps en étudiant ce phénomène, par le biais d’un mémoire élaboré dans le cadre du DU AddictologieLes boissons énergisantes. Apports théoriques et enquête exploratoire chez les adolescents » en 2013), présenté à la CVAGS de La Réunion (Cellule de Veille, d’Alerte et de Gestion Sanitaire).
La seconde étape a été de créer un module de sensibilisation à l’attention des professionnels et bénévoles associatifs.
S’en est suivi, en 2014, la création et la diffusion d’une plaquette d’information, puis d’un quizz électronique, en 2015, à destination du grand public.
Parallèlement, une étude est menée auprès des jeunes scolarisés (lycées professionnels et généraux) en concertation avec le Rectorat, l’Agence Régionale de la Santé Océan Indien et le Conseil Général. Cette étude prend une extension en 2016 en milieu- extra-scolaire, notamment auprès des clubs sportifs.
Un projet expérimental de prévention Sport et Santé est prévu en 2016 afin de développer l’esprit critique des jeunes en réalisant une campagne de contre-marketing des boissons énergisantes et à sensibiliser les professionnels à devenir relais d’information.

 

8/ Bibliographie et liens utiles

Sources :

  • Ministère des Affaires sociales et de la santé : www.sante.gouv.fr
  • Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail : http://www.anses.fr/
  • Institut de veille sanitaire : www.invs.sante.fr
  • Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT) : http://www.ofdt.fr
  • Agence européenne de sécurité sanitaire des aliments (EFSA) : http://www.efsa.europa.eu
  • Société française de nutrition du sport (SFNS) : www.nutritiondusport.fr
  • Institut Régional du Bien-être, de la Médecine et du Sport Santé Nord Pas de Calais : http://www.irbms.com
  • Institut National de santé publique du Québec : http://www.inspq.qc.ca
  • Centre de recherche et d’information des organisations de consommateurs (Recherches et analyses – Alimentation) : le site a récemment fermé.
  • Fiches pratiques « Boissons énergisantes : des produits sous surveillance ». DGCCRF – Novembre 2018

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